Après son impressionnante performance dans L’Étang, Adèle Haenel sert une nouvelle fois le fascinant théâtre de Gisèle Vienne. Un théâtre visuel puissant et dérangeant qui interroge les traumas, les fantasmes et les silences. Un théâtre du corps et du sensible qui dans Extra Life déplie toutes les strates d’un drame à partir duquel un frère et une soeur se sont trouvés brutalement séparés. Extra Life nous convie 20 ans après. Au petit matin, au terme d’une nuit de fête, le frère et la soeur, devenus adultes, se retrouvent. Le passé, les souvenirs, l’imagination, le présent, l’intime se trouvent ainsi convoqués. Deux autres interprètes, Theo Livesey et Katia Petrowick, et une poupée nous conduisent avec Adèle Haenel au cœur de l’événement traumatisant et de sa perception. Plasticienne autant que metteuse en scène, Gisèle Vienne met en résonance les différents langages du plateau — jeu, chorégraphie, marionnette, espace, lumière, musique, texte (écrit par les interprètes eux-mêmes) — pour laisser surgir les émotions d’une expérience trop longtemps contenue. À travers cette forme qui fait appel à notre mémoire sensible, l’artiste questionne les violences structurelles des schémas dominants — le capitalisme, le patriarcat — qui conditionnent nos modes de perception. Elle libère les corps pour oeuvrer à une pensée plus libre.