Quand la pièce de Racine s’ouvre, le désastre de la guerre de Troie a déjà eu lieu. Andromaque, veuve d’Hector et son fils Astyanax, sont captifs de Pyrrhus, roi d’Épire, en Grèce. Celui-ci, fou amoureux, lui offre sa main et la couronne au détriment d’Hermione qu’il devait épouser. Oreste, envoyé par les Grecs pour demander la mort d’Astyanax (qui pourrait vouloir venger son père), aime Hermione qui, elle, se désespère pour Pyrrhus… Dans les méandres des ruines encore fumantes de la guerre, ce sont quatre cœurs qui se cherchent, se manquent, souffrent au bord de l’abîme. L’amour que chacun ressent pour l’autre crée du vide et du manque. C’est ce manque qui alimente les vers de Racine, selon Élodie Segui. La metteuse en scène, connue pour son approche plasticienne, aborde cette langue par la matière d’un espace instable qui raconte l’effondrement d’un monde « Les vibrations de la violence mettent à mal les fondations de leur propre palais. La destruction est à l’œuvre et ne saurait s’arrêter. Le monde va se dérober sous les pas des vainqueurs ». Dès lors, la représentation est une traversée du désastre. Les acteurs entrent en collision avec un décor qui s’effondre sur lui-même. L’énormité du chaos pousse le tragique à la frontière du burlesque.