En 1893, immédiatement après avoir découvert la pièce de Maurice Maeterlinck, manifeste du théâtre symboliste de la Belle Epoque, Claude Debussy travailla deux ans durant sur une première version de son drame lyrique, avec une partie de piano soutenant les voix. Il fallut attendre 1902 pour qu’il en complète l’orchestration et y ajoute des interludes symphoniques, offrant à l’œuvre un écrin impressionniste et irisé mais perdant parfois le minimalisme et l’âpreté du maître du clavier qu’il était. Patrice Caurier et Moshe Leiser vivent depuis plus de deux décennies avec cette partition qu’ils ont mise en scène dans sa version traditionnelle. À l’invitation de la Fondation Royaumont, ils ont sculpté dans les moindres détails ce noyau chambriste originel, dans les méandres duquel ils guident des artistes en début de carrière et rendent aux protagonistes de ce drame familial son urgence et sa modernité. L’oppression conjugale d’une épouse martyrisée par un bourreau tourmenté, la passion irrépressible des jeunes amants, l’horreur du fratricide nous bouleversent comme au premier jour.