L’épopée de la « Pucelle d’Orléans » revisitée à l’heure des selfies et des réseaux sociaux, ou comment Marion Siéfert, révélation de la jeune scène française, invente un théâtre de masque 3.0 diffusé en direct live sur Instagram.

_jeanne_dark_ c’est un pseudo, l’identité numérique que s’est choisie Jeanne, une adolescente de seize ans, originaire du Val de Loire, « dans une banlieue résidentielle où il y a R à part des pavillons individuels », incarnée sur scène par Helena de Laurens qui porte la fusion entre théâtre et danse à un rare degré d’intensité. Elle est seule avec son smartphone, miroir virtuel connecté à des spectateurs invisibles auxquels elle expose ses doutes, confie ses peurs et ses désirs. Ce qu’elle filme est retransmis simultanément sur un grand écran, dédoublement scénographique de celui qu’elle tient entre ses mains. Zooms, cadrages, filtres déformants et effets visuels superposés au visage produisent un « corps augmenté » en constante métamorphose, faisant apparaître une sarabande expressionniste de personnages issus de la légende de Jeanne d’Arc : le père, la mère, la sainte, le prêtre en confession… À travers la figure de cette héroïne historique, symbolisant l’affranchissement courageux des modèles de comportement imposés aux jeunes femmes, se dessine un état des lieux des nouveaux rapports à la sexualité, à la religion et à l’image de soi.