Édito, Saison 2023-24

Cher public,

Dans « le pourquoi du comment » d’une construction de saison, trois choses sont essentielles ; le choix des artistes, le désir de partager leur travail avec un large public, créer les conditions favorables pour rendre ces rencontres possibles. De réelles fidélités artistiques contribuent également à poser des premiers rendez-vous. Saison après saison, c’est avec impatience que  nous attendons le nouvel opus d’artistes accompagnés depuis 10 ans : Mohamed El Khatib, Christophe Honoré, Vincent Macaigne, Olivier Martin-Salvan, Phia Ménard, Milo Rau.
Nous cheminons au cœur du sensible avec Benjamin Abel Meirhaeghe, David Bobée, Sébastien Foucault, Cédric Orain, Gisèle Vienne, Guillaume Vincent. La metteuse en scène Caroline Guiela Nguyen, les metteurs en scène Tim Etchells, Chen Jiang Hong et Mariano Pensotti nous rendent visite pour une première fois.
Corps dansants, ambiances de fête et rituels grands formats avec les chorégraphes Alice Ripoll, Amala Dianor, Trajal Harrell, Christos Papadopoulos.
La musique nous vient de part et d’autre de l’Atlantique, un musicien en cache souvent d’autres. Philippe Jaroussky, star des contre-ténors, retrouve ses complices de l’ensemble Artaserse et le metteur en scène Benjamin Lazar. Samuel Achache se produit avec sa bande de virtuoses, Adèle Charvet vient avec ses brillants camarades du Consort, Célimène Daudet est avec Justin Élie et Ludovic Lamothe, Thierry Balasse avec Cécile Maisonhaute et Aurélie Sureau, le Quatuor Béla fait revenir Bartók, Patricia Petibon vient avec l’Ensemble Amarillis, Sonia Wieder-Atherton avec le cinéaste Clément Cogitore, Emiliano Gonzalez Toro est avec les frères Enhco. Et puis Jeanne Added, Albin de la Simone, Juliette, Pomme, ne viennent pas seuls non plus.

Désirs, amours, miroirs tendus devant nos vies, nos bonheurs en morceaux ; le théâtre n’est pas là pour accommoder les restes ou nourrir l’indifférence du monde mais pour donner signe de vie. Pour reprendre les mots de Caroline Guiela Nguyen, nous sommes faits d’autres histoires que la nôtre, nous sommes faits d’autres blessures que les nôtres. Relation de l’individu au groupe, désordres infligés à la nature, diversité, accessibilité, parité, féminités et masculinités plurielles irriguent les récits.
À l’opposé d’une vision binaire qui enfante un monde d’une grande brutalité, nous nous efforçons de préserver les plateaux du TANDEM comme lieux de la nuance et du sensible. Il est possible d’y faire collectivement l’expérience d’émotions et de récits intimes, de regarder des choses que l’on ne peut dans la vie, ni regarder, ni dire, ni partager. Dans la liberté du jeu, les personnages expriment des choses qu’il faut parfois taire dans les rapports sociaux, familiaux ou personnels.
Au fil du temps, les scènes du TANDEM résonnent des voix des artistes accueillis. De mémoire en mémoire, une histoire commune s’écrit, donnant un sens très fort à tous ces « repas pris en commun ». Les souvenirs se déposent, les oeuvres survivent.
Ô mon corps, fais de moi toujours un homme qui interroge ! C’est la conclusion ouverte de Frantz Fanon achevant son ouvrage Peau noire, masques blancs.
Hors de nos petits écrans, tous semblables et permanents, instruments de la réalité de plus en plus effacée, accrochons-nous à la beauté pour continuer à vivre ensemble !
Rendez-vous sur la Grand’Place d’Arras le 8 septembre prochain, à 20 heures, pour lancer la saison. On raconte qu’à cette heure où la nuit tombe, le ciel d’Arras se peuple d’anges. Seuls les enfants peuvent les voir. Mais adultes, vous y verrez plutôt, parés de leur nécessité physique, de célestes trapézistes annonçant l’arrivée de la nouvelle saison !

Que cette saison soit celle des grands soirs qui rassemblent,
des grands soirs qui ont l’audace d’une première fois,
des grands soirs qui sont l’expression d’une harmonie avec le monde,
des grands soirs où il y a de la place pour la présence de l’autre, son corps, ses connaissances,
des grands soirs qui nous transforment en chercheurs d’or !

 

Gilbert Langlois,
directeur du TANDEM Scène nationale